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Nouvelles littéraires

  Ecrits d'un mystérieux lecteur

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25 juillet 2035

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Ce matin, Patrick n'avait pas du tout envie de sortir de son lit. Il savait déjà qu'il allait passer une très longue journée, et il refusait de laisser cette idée s'installer dans son esprit, mais il savait aussi qu'il y avait une chance qu'il ne rentre pas chez lui ce soir-là, ni le soir d'après. Il but son café, embrassa sa femme, prit sa douche, réveilla son fils et il oublia le danger jusqu'à ce que le bus s'arrête devant son lieu de travail.

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Patrick travaillait dans une usine de machines à laver qui utilisait des robots pour accomplir le travail manuel, robots supervisés par des humains qui occupaient les postes importants. Tout se passait bien jusqu'ici mais cette semaine-là, les robots avaient commencé à se rebeller, à ne plus faire leur travail et à détériorer le matériel. Etant responsable des engins, Patrick se devait de venir ce jour-là, mais il avait un très très mauvais pressentiment. La veille, un robot avait essayé de tuer le PDG et il s'en était fallu de peu que cela ne se produise pas. A présent, les robots étaient encore plus susceptibles de s'emporter contre leurs maîtres, Patrick le premier.

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Il franchit la porte d'entrée avec anxiété. Tout était silencieux, mais il n'y avait plus d'électricité et la secrétaire n'était pas à son poste. Les meubles de l'entrée étaient sans dessus-dessous, mais cette pièce restait en bien meilleur état que les autres. Le bureau de Patrick était à droite. Il courut sans même jeter un regard à la salle principale, à gauche. Son bureau était vide et sentait le brûlé malgré l'absence de feu. Sur la seule chaise qui restait, était assis un robot qui le fixait de ses grands yeux métallisés. Les deux protagonistes restèrent immobiles, pendant ce qui sembla à Patrick une éternité. Il reconnaissait le robot, il l'avait déjà croisé plusieurs fois auparavant. . Si sa mémoire était bonne, il se nommait SB-15X.

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SB-15X ne savait pas quoi faire, il n'était pas programmé pour cela et il n'avait presque pas été atteint par le bug général.

Patrick s'avança vers lui et réfléchit à ce qu'il pourrait faire pour sauver sa peau. Il se glissa tout doucement vers le tableau de commandes de tous les robots. Il chercha le bouton off et le contempla quelques secondes. Il ne s'en était jamais servi. Il avait peur de ce qui allait se passer mais appuya néanmoins sur l'interrupteur. Derrière lui, SB-15X émit un petit couinement puis tout son système s'arrêta. Patrick sentit un picotement derrière sa nuque qui remontait au cerveau. Il s'entendit faire le même petit couinement que SB-15X et ses yeux se fermèrent sans qu'il puisse les contrôler.

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26 juillet 2035

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Ce matin, Patrick se sentait fatigué. Sa tête lui faisait mal mais cette douleur ne dura pas longtemps. Il suivit sa routine habituelle et prit le bus. La secrétaire était là, son bureau inchangé, semblable à tous les jours. C'était une journée ordinaire.

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De Thomas

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En l'an 2089, il m'est arrivé quelque chose d'incroyable. Cela doit bien faire dix ans et je m'en souviens comme si c'était hier. A l'époque, je menais une vie paisible sur Terre avec ma femme. Nous étions mariés depuis douze ans et habitions dans un appartement bullaire simplement meublé, dans nos moyens, dans la ville d'ASTROPOLIS. Nous possédions, comme tout le monde, une voiture volante moyenne gamme, car les voitures roulantes n'existaient presque plus étant donné que la plupart des villes étaient construites sur l'eau.

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J'exerçais la profession d'agent de voyage dans un énorme astroport, dans le plus grand terminal de celui-ci: Sevastopol. Pour m'y rendre, je passais toujours par la même route céleste. Avant de monter dans ma voiture, le chien cyborg du voisin et lui-même venaient me saluer. Ce trajet était épouvantable, la circulation était aussi dense qu'autrefois, le ciel était encombré d'une multitude d'engins volants. Cela me prenait des heures. J'observais de là-haut les mêmes grandes maisons pivotantes des plus riches, les stations d'essence en lévitation. Je devais également faire très attention à ma vitesse car la police patrouillait partout en FLASH POLICE CAR. L'astroport était extrêmement bien surveillé. Les drones militaires survolaient tous les secteurs. Les agents-robots de sécurité armés- contrôlaient les va-et-viens des gens et les fouillaient afin d'éviter tout problème.

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Mon travail consistait à préparer des voyages en direction d'autres planètes. Je m'occupais des réservations et des billets de vol des clients. Tous partaient découvrir d'autres horizons, d'autres paysages... J'avais toujours rêvé de faire partie des voyageurs, mais, hélas, je n'en avais pas les moyens. Mon rêve était de me rendre sur Mars. J'observais au loin les vaisseaux spatiaux décoller et atterrir et cela m'attristait chaque jour. Ma femme n'arrêtait pas de me dire d'oublier cette idée folle et de "redescendre sur Terre".

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Un beau jour, alors que je me rendais sur mon lieu de travail, je décidai d'allumer mon écran de télévision pour passer le temps, car, ce matin-là, la circulation était vraiment impossible. Un spot publicitaire m'interpela. On y voyait des gens allongés dans une sorte de capsule, entourés de médecins, ainsi qu'un homme qui faisait une annonce concernant son entreprise: la "Fast Travel". Il déclarait que son entreprise était à la pointe de la technologie. Le principe était simple: nous choisissions une destination parmi celles proposées et nous pouvions nous y rendre virtuellement en toute simplicité, confortablement installés dans une de ces fameuses capsules.

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Je repensai à cette réclame toute la matinée et me posai tout un tas de questions. Combien cela pouvait-il coûter? L'immersion était-elle totale? Pour en savoir plus, je décidai de prendre le temps de les contacter lors de ma pause déjeuner pour leur demander tout ce qui me passait par la tête. Malheureusement, la dame que j'eus en ligne me dit qu'il fallait mieux me rendre sur place pour plus d'informations. Nous fixâmes donc un rendez-vous pour le lendemain.

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Je me résolus à ne pas en parler à ma femme pour ne pas l'inquiéter et à prendre ma journée. Je me rendis en voiture jusqu'à la gare où je pris le superbus dont les rails tournaient autour du plus grand superbuilding de la ville. Une fois à l'agence, je pus rencontrer la dame avec laquelle j'avais échangé au téléphone et elle me demanda de patienter car le responsable était occupé avec un client. Il me reçut finalement vingt minutes plus tard et m'emmena dans son bureau pour discuter et répondre à mes questions. Il commença tout d'abord par me demander vers quelle destination je souhaitais me rendre et je lui répondis.

"Mon plus grand rêve serait de me rendre sur Mars. Je travaille moi-même dans une agence interplanétaire et je n'ai jamais eu les moyens de faire un tel voyage.

- Cela tombe extrêmement bien mon cher ami. Mars fait partie de nos destinations et ici, vous pouvez payer en plusieurs fois. Etant donné que vous m'avez l'ai bien sympathique, je vais même vous faire un tarif spécial, rien que pour vous".

Le ton de la discussion commençait fortement à m'intéresser, mais il me restait encore une chose à lui demander. Comment cela fonctionnait-il?

" Le procédé est très simple, il suffit simplement de vous implanter une micro-puce dans la tête qui contient un voyage-souvenir et d'enfiler un casque de réalité virtuelle. Un souvenir aussi réel que si vous y étiez vraiment! Cela dure une heure mais vous penserez que cela a duré plusieurs jours. L'immersion est plus vraie que nature, faites-moi confiance. De plus, vous pourrez endosser le rôle d'un personnage que vous choisirez. Vous, je vous verrais bien en agent secret! Et tout ça pour la modique somme de 3 000 sirius".

C'était quand même assez conséquent mais un véritable voyage m'en aurait coûté plus de 15 000... J'acceptai donc sur le champ, tout en espérant ne pas être déçu du résultat.

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Des médecins vinrent me chercher et m'emmenèrent dans la salle des capsules. Il y avait des néons partout, la pièce était d'un rouge vif. Au centre de celle-ci se trouvait une estrade avec quatre capsules différentes de couleur blanche, avec une baie vitrée au centre. Lorsque j'entrai dans l'une d'elles, les médecins appuyèrent sur un gros bouton noir du tableau de bord pour faire apparaître un casque de réalité virtuelle et me demandèrent de le mettre. Après cela, la puce me fut implantée et tout semblait aller pour le mieux. Jusqu'au moment où son rythme cardiaque s'emballa et que je perdis connaissance. Après cela, je ne me souvins plus de rien.

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Je me réveillai dans un robotaxi qui me déposa pas très loin de chez moi. J'avais un mal de crâne horrible et une peur ancrée au fond de moi. Tout était sombre dans ma tête. Je dus user de toute mon énergie afin de marcher jusqu'à mon domicile. Mais, aussitôt, je m'aperçus que des hommes vêtus de combinaisons me poursuivaient. En premier lieu, je fis semblat de ne pas les voir. Je pensais avoir réussi à les semer lorsque l'un d'entre eux  brandit un Hyper gun laser pour me tirer dessus. Je me mis à couvert. Je ne me connaissais pas aussi bon viseur mais en très peu de temps je réussis à tous les éliminer. A ce moment précis, j'étais plutôt fier de moi mais aussi très inquiet: que me voulaient ces hommes ? Pourquoi étaient-ils armés? Comment avais-je fait pour m'en sortir? Cela avait-il un rapport avec ce qui s'était passé à l'agence? Pour ne pas que je parle?

Je n'avais plus une seconde à perdre, il fallait que je rentre chez moi pour retrouver ma femme et prendre le temps de réfléchir à tout ça. Une fois chez moi, je constatai que ma femme avait disparu, mais elle arriva par derrière, une arme à la main, me disant de ne pas faire un seul geste. La vie en laquelle je croyais venait d'être anéantie et il ne fallait pas être bien malin pour comprendre qu'elle était de connivence avec l'agence. Ainsi je comprenais pourquoi elle me dissuadait tout le temps de voyager, d'accomplir mon rêve. Tout semblait s'éclaircir à présent. Je ne me sentais pas bien du tout et je fis un malaise.

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C'est alors qu'une chose terriblement étrange se produisit: je me réveillai en sursaut, j'étais dans la capsule où l'on m'avait introduit. Il n'y avait aucune explication logique à tout cela et pourtant, c'était bien le monde réel qui m'entourait. Les médecins étaient autour de moi, me demandant si j'allais bien, si je me sentais bien. Ils m'expliquèrent que je venais de faire une légère attaque. Je leur répondis que je me sentais mieux mais que j'avais besoin d'un instant pour me remettre de mes émotions.

" Que m'avez-vous fait avec cette puce?

- Mon équipe vous a injecté une sorte de liquide anesthésique afin de faciliter l'implantation de la micro-puce. Vous avez commencé à vous endormir, tout avait l'air on ne peut plus normal. Nous avons donc procédé à l'implantation, mais alors que le voyage-souvenir était en train de se télécharger, votre rythme cardiaque s'est emballé et vous vous êtes évanoui pendant une dizaine de minutes. J'ai donc pratiqué un certain nombre de massages cardiaques et vous êtes revenu. Le souvenir a sûrement du mal à s'intégrer à la puce.

-Comment est-ce possible? Votre patron m'avait pourtant assuré que tout fonctionnerait parfaitement bien!

- En fait, nous n'en sommes qu'à l'état d'expérimentation Monsieur..."

Ils me dirent ensuite qu'il était préférable d'annuler la session et que je rentre chez moi. Heureusement que je n'avais pas encore payé...

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Je sortis donc de ce lieu maudit et je repris un superbus afin de retrouver mon véhicule. Tout au long du vol de retour, des douleurs intenses me martelaient la tête. C'était étrange car j'avais des souvenirs de choses que je n'étais pas certain d'avoir vécues: je me voyais sur Mars, entouré de sable rouge, poursuivi par des voitures volantes. Ce n'était pas les mêmes que la mienne, celles-ci avaient des propulseurs à l'arrière, des gens me tiraient dessus et moi, je faisais de même. C'était vraiment perturbant. Je pensais que je délirais mais cela correspondait aux propositions de l'agence: le voyage sur <mars, moi en agent secret. Aujourd'hui encore, j'en ai des visions. cela doit être dû au fait que le voyage-souvenir avait été non seulement mal implanté mais aussi dans le désordre.

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Rentré chez moi, je retrouvai ma femme. Elle remarqua tout de suite que je rentrais plus tôt que prévu et que j'étais différent de d'habitude. Je lui dis de ne pas s'inquiéter.

"Tu sais que mon rêve a toujours été d'aller sur Mars? Je sais que nous n'en avons pas les moyens. Hier, dans la journée, je suis tombé sur un spot publicitaire de l'agence Fast Travel qui proposait de nous faire voyager sur Mars par le biais de la réalité virtuelle. J'ai donc pris rendez-vous et m'y suis rendu ce matin au lieu d'aller au travail. J'ai écouté leurs propositions et leurs explications. J'ai accepté de tenter le voyage, de réaliser mon rêve. Ils m'ont emmené au sous-sol, où il y avait des médecins qui faisaient des expériences. Tout se passait très bien mais, à un moment donné, je me suis évanoui. J'ai pénétré un autre monde en croyant que tout était vrai. Ca a été une horreur absolue que je préfère ne pas te raconter.

- Mon pauvre. Je t'avais pourtant mis en garde contre tes rêves, mais tu ne tiens jamais compte de ce que je dis.

- Oui, je sais. J'aurais dû me méfier. C'était une idée fixe chez moi et je me suis mis en danger de façon inconsciente. Il faut toujours se méfier des publicités trop alléchantes. J'ai vécu un cauchemar. J'espère que je n'en aurai pas de séquelles. Un jour, je le sais, nous réaliserons ce rêve ensemble. Il faut que je sois patient, tout simplement. Dans quelques années peut-être...

- Alors, veux-tu que je t'annonce une bonne nouvelle? "

J'ouvris grand les yeux et vis qu'elle avait un large sourire.

"Depuis plusieurs années, je constitue une cagnotte en économisant chaque mois et pour notre anniversaire de mariage, le mois prochain, j'ai réservé un voyage sur Mars."

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Je tombai des nues. Je me frottai les yeux et une immense joie s'empara de moi.

Au même instant, un terrible doute s'insinua en moi. Et si j'étais encore sous l'effet de cette puce de malheur?!

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